Trois âmes sœurs : traduit de l'allemand par Raphaëlle Lacord Martina Clavadetscher

Coup de cœur

Une fantastique découverte que ce roman, dans tous les sens du terme ! Vous aimez Edgar Allan Poe et les maîtres du genre ? Vous aimerez à coup sur la plume de Martina Clavadetscher et ses Trois âmes sœurs. On y suit Iris, femme semblant sensiblement tourmentée et sous l’emprise d’Éric, son mari.

Tous les soirs, ils reçoivent à 18h30 tapantes, Wollstone et Godwin, deux amies. Avec elles, ils ont pour coutume de se raconter tour à tour des histoires dont ils jugent ensuite respectivement la qualité. Des histoires étranges de grenouilles capables de faire geler leurs cellules jusqu’au printemps et de passer l’hiver en état de mort apparente, de doigts coupés retrouvés coincés dans la portière d’une voiture… Une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle qui entoure la naissance de Frankenstein un soir d’orage par Mary Shelley.

Iris peine à ordonner son récit, à atteindre la substantifique moëlle. Puis, un soir, elle le sait, elle le sent, elle va pouvoir aller au bout de l’histoire. Dans une formidable mise en abîme qui occupe la presque intégralité du roman, elle raconte la vie de sa « Demi-sœur Ling ».

On est rapidement sous le charme des mots, de l’atmosphère, de l’intrigue… Qui est Ling ? Est-ce vraiment la demi-sœur d’Iris ? Quel lien unit ces deux femmes ? Martina Clavadetscher nous plonge dans une ambiance pluvieuse, ouvrière, mécanique, minutée. Ling, sans que jamais sa particularité ne soit nommée, est à n’en pas douter dans le spectre des troubles autistiques. Elle calcule tout, tout le temps, n’apprécie pas le contact humain et a trouvé un travail qui lui convient parfaitement : mesurer des corps… sans tête.

On laisse les lecteurs et lectrices découvrir petit à petit l’histoire de ces formes humanoïdes qui passent de salle en salle dans une usine qu’on devine aisément localisée dans un pays asiatique. Un pays qui ne porte pas de nom. Au stade où Ling les a en main, ces créations n’ont pas de visage, pas d’esprit, elles sont orifices et silicone. Ce n’est que dans la dernière salle, la « salle des têtes » que ces créations prennent vie. Cette salle, Ling ne souhaiterait y travailler pour rien au monde, car, selon elle, dès que la tête s’en mêle, tout se complique.

C’est sans compter la venue d’une nouvelle arrivante qui va sérieusement bouleverser la routine et les habitudes de Ling. Sans compter l’intervention du gardien John B. dans son quotidien, hors du travail à l’usine…

Martina Clavadetscher pose dès le début de son roman les jalons d’une trame parfaitement ciselée aux mots choisis avec soin. Une fois la dernière page tournée, on se prend à relire les premières en s’extasiant devant la finesse du travail de l’autrice qui maîtrise parfaitement son œuvre. On a adoré !

Résumé

Iris dans la prison dorée de son penthouse new-yorkais; Ling en Chine, ouvrière d'une usine de poupées à taille humaine; Ada Lovelace, fille de lord Byron et mathématicienne de génie bien à l'étroit dans l'Angleterre victorienne: elles vivent à des époques et dans des lieux différents, mais toutes trois sont unies par un lien mystérieux, une quête commune qui les font braver l'ordre établi. Roman gigogne, "Trois âmes sœurs" brouille les frontières entre l'humain et la machine, bouleverse nos a priori sur l'intelligence artificielle. Pour acclamer le pouvoir de l'imagination et activer la mécanique de la désobéissance.

Auteur :
Clavadetscher, Martina, Auteur du texte
Contributeur :
Lacord, Raphaëlle, Traducteur
Éditeur :
Chêne-Bourg, Editions Zoé, 14-Condé-sur-Noireau, Impr. Corlet Imprimeur
Langue:
français.
Pays:
Suisse.
Description du livre original :
1 vol. (266 p.) ; 21 cm
ISBN:
9782889072569.