Deux filles Michel Layaz

Coup de cœur

Michel Layaz aime varier les registres, faire danser les mots, le style, le rythme. Il passe avec aisance de ville à campagne, de l’émotion à l’analyse, du monde cultivé à l’éloge de la nature. Son dernier roman, Deux filles, joue le jeu du double sens, et cache dans son titre le drame qui sourd dès les premiers chapitres.

Il faut pourtant s’habituer à la foulée de l’auteur. Parfois saccadé, parfois naturaliste, parfois lyrique, son style est riche, et par instants déroutant. Mais il sait dire les sentiments, l’humanité de ses personnages. Et il nous tient en haleine avec un secret qui ne nous sera révélé que très tard, aux effets dévastateurs.

Dès les premières pages, nous nous glissons dans l’esprit du narrateur, homme dans la cinquantaine, parisien depuis longtemps, mais ayant vécu sa jeunesse à Lausanne. Heureux de ses retrouvailles avec sa fille, partie pour un long voyage en Chine dont elle revient en ayant quitté son amoureux, mais radieuse, car elle s’est prise de passion pour une jolie jeune femme, Sélène, aux doigts palmés, qui ne laisse pas de troubler notre homme.

Chacune incarne une passion différente. L’une, Olga, citadine, cultivée, coquette; l’autre, Sélène, rebelle, végétarienne, proche des petits cultivateurs bio, engagée. Le narrateur découvre leurs passions alors qu’elles s’installent chez lui. Il les écoute, les suit même dans leurs explorations, à la recherche d’un clochard magnifique, Gédéon-dit-Amandin, dessinateur hors pair.

L’homme qui dit « je » est réalisateur de films documentaires. Il finalise un beau sujet sur un couple de bergers dont il a longuement suivi le quotidien, il tourne des images sur une compagnie de danse au travail. Il filme également furtivement Gédéon, l’artiste SDF, quelques jours avant que celui-ci ne disparaisse, laissant derrière lui, dans une étrange petite grotte, tous ses carnets dessinés. Plus étrangement encore, notre narrateur filmera sa fille en deuil, à la fin du roman… une attitude plutôt incompréhensible et impudique, mais logique pour un être dont on connaît certes les émotions, mais qui opte surtout pour une posture d’observateur qu’il ne quitte que très rarement.

Le livre nous offre aussi de belles balades dans les rues, squares et parcs de Paris, une belle escapade en Gruyère au pied des Gastlosen, mais aussi des commentaires sur l’art, les artistes aimés par Olga, Warhol, Niki de Saint-Phalle, Le Caravage ou Berthe Morisot. Les deux jeunes femmes s’étourdissent dans les belles abbayes de Tournus et de Vézelay, ou dans les incroyables installations de l’artiste allemande Anne Imhof, et l’auteur ne se prive pas d’un très joli portrait de l’ancienne directrice de la Collection de l’art brut, passionnée et amoureuse du travail de Gédéon.

Au final, on navigue entre tendresse et sensualité. Sentiments troubles. Ambiguïtés. Michel Layaz sait dérouler ses effets d’annonce, maintenir le suspense, nous faire aimer ces deux jeunes femmes si représentatives de leur génération. Et la fin nous bouleverse.

À vous de vous laisser emporter, je ne trahirai pas le secret ! (Par Martine Béguin)

Résumé

Auteur :
Layaz, Michel, Auteur du texte
Éditeur :
Editions Zoé,
Langue:
français.
Pays:
France.
ISBN:
9782889073986.